La rivalité qui oppose le Sénégal à la Côte d’Ivoire date de l’époque des pères fondateurs, où chacun des deux pays luttait déjà pour son rayonnement. Pour Harriet Elam-Thomas, diplomate américaine qui a servi dans les deux Etats, Abidjan est nettement en avance sur Dakar.
Harriet Elam-Thomas classe Abidjan devant Dakar
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont deux pays francophones de la sous-région ouest-africaine. Les autorités de chaque pays mettent en effet un point d’honneur à donner une bonne visibilité à leur Etat sur l’échiquier international. Mais ce positionnement stratégique ne se fait pas sans qu’apparaisse une certaine rivalité entre leurs dirigeants.
Qui ne se souvient pas encore de la stratégie mise en œuvre par le président Alassane Ouattara pour être le premier président africain reçu par le président Emmanuel Macron qui venait d’être élu en France ? Alors que le président Macky Sall avait une audience avec le président Français, le 12 juin, son homologue ivoirien a pu décrocher une trentaine de minutes de tête à tête avec Macron la veille, c’est-à-dire le 11 juin. La pilule a jusque-là du mal à passer du côté de Dakar.
Cette rivalité était également perceptible entre les différents dirigeants sénégalais et ivoirien depuis tous les temps. L’ambassadrice américaine Harriet Elam-Thomas qui était en poste dans les deux Etats donne sans coup férir son opinion sur ce bras de fer diplomatico-stratégique entre Dakar et Abidjan. Son verdict fait nettement pencher la balance du côté de la lagune Ébrié au détriment du pays de la Téranga.
« Je parlais déjà français et Abidjan était un poste de suivi naturel. À l’époque, Abidjan était considérée comme l’un des meilleurs postes d’Afrique. Les États-Unis y avaient des intérêts significatifs, car l’économie était plus diversifiée que celle du Sénégal. Abidjan avait un conseiller commercial. Les Ivoiriens étaient des hommes d’affaires avisés », a-t-elle indiqué, avant d’ajouter : « Parfois, je pensais qu’ils étaient plus Français que les Français. J’ai trouvé curieux qu’à 40 degrés, ils soient souvent vêtus de trois pièces. Ils ne portaient pas les vêtements traditionnels aussi souvent que les Sénégalais. Leurs personnalités étaient beaucoup plus complexes et je les trouvais plus difficiles à lire que les Sénégalais. »
Poursuivant sur sa lancée, la diplomate en retraite du pays de l’Oncle Sam remonte au temps des Présidents Félix Houphouët-Boigny et de Léopold Sédar Senghor pour évaluer les relations ivoiro-sénégalaises.
« L’Université d’Abidjan était très bien aménagée. Les Français ont lourdement investi en Côte d’Ivoire pour bénéficier d’une économie diversifiée. Le Président ivoirien Houphouët-Boigny était alors un médecin et non un homme politique. Contrairement à Léopold Senghor, il n’était ni un poète ni un intellectuel. Les Français respectaient plus Houphouët-Boigny », a-t-elle déclaré.
Pour Mme Harriet Elam-Thomas, l’avance de la Côte d’Ivoire sur le Sénégal se justifie pleinement : « La diversité des origines de la population ivoirienne explique peut-être pourquoi elle semble s’attacher davantage au français que le Sénégalais. »
Après celle de Madiambal Diagne, voilà une autre comparaison qui risque de renforcer les frictions entre les deux pays frères.