Tombé dans l’escarcelle de la violence, après le coup d’Etat de 2012, le Mali où l’état d’urgence instauré en 2017 court jusqu’en décembre 2019, est aujourd’hui évoqué sur la scène internationale pour son « insécurité généralisée », sa « situation humanitaire préoccupante », selon l’ONU, mais aussi pour sa sensibilité à l’éducation sexuelle.
Insécurité grandissante au Mali depuis le coup d’Etat de 2012
Avec 75% de musulmans, selon le conseil islamique, le Mali, officiellement pays laïc, mais fortement attaché à ses us et coutumes, a dû briser en fin d’année 2018 le tabou de l’éducation à la sexualité, afin de traiter le sujet publiquement, jusqu’au niveau étatique, puisqu’il était prévu que « cette nouvelle forme d’éducation à l’occidentale », ainsi qualifiée par l’imam de la mosquée centrale de Djicoroni, portée par le gouvernement soit concrétisée en manuel scolaire et intégrée au système d’enseignement national.
« Même s’il a vigoureusement été refoulé par les inflexibles de l’islam radical, dont le président du Haut conseil islamique malien, Mahmoud Dicko, le sujet fait partir désormais des sensibilités maliennes auxquelles le pays devra faire face dans les mois années à venir », a posté un député malien sur son compte Twitter, puisqu’en reculant fin décembre 2018, face à la vague de protestations, le chef du gouvernement, Soumeylou Boubèye Maiga a souhaité « la mise en place d’un comité de sages capable d’amender la faisabilité du projet ou son abandon définitif ».
Dans le manuel controversé qui a « divisé à coup sûr le haut conseil islamique malien », selon la presse locale, il est demandé aux élèves de respecter, entre autres, la sexualité de leur prochain, en allusion aux homosexuels tout en permettant aux adolescentes, dont « une sur trois âgée de 15 à 19 ans est déjà mère », de maîtriser sa sexualité.
Au Mali, les cas de violences sexuelles sur les jeunes filles sont devenus récurrents. Rien qu’en 2018, le Comité international de la Croix-rouge (CICR) a enregistré 63 cas. Un « phénomène tout à fait nouveau, inadmissible et surtout inacceptable », qu’a revelé l’expert indépendant des Nations unies pour les droit de l’Homme, Alioune Tine qui s’était inquiété « des viols des jeunes filles et des enfants », après une visite au Mali en octobre 2018.
Dans sa mosquée à Badalaboudou (quartier populaire de Bamako), les prêches de l’imam Mahmoud Dicko prennent désormais des allures de meetings depuis qu’il a fait bloquer le projet du manuel scolaire sur l’éducation sexuelle.
« Je ne pense pas que notre pays soit prêt à accepter cette nouvelle forme d’éducation qui n’est surtout pas conforme à nos pratiques », avait soutenu l’imam de 64 ans, au cours de l’un de ses prêches, ajoutant : « Tant que je suis là, je serai toujours la barrière à la mise en vigueur de ce manuel ».
« Avec cette vague d’interconnexion aujourd’hui entre jeunes africains, européens,… via internet et des réseaux sociaux, le Mali devra tôt ou tard abandonner la politique de l’autruche face à certains tabous traditionnels, dont la sexualité et examiner sérieusement l’adaptation de ses nouvelles données à nos cultures au risque de se retrouver plusieurs années plus tard devant les faits accomplis », a soutenu le sociologue Abdoulaye Diakité.
Selon les données démographiques, la population malienne est estimée à 18,5 millions d’habitants dont 51% de femmes et 49% d’hommes et un taux de scolarisation largement en dessous de 50%, avec 30,7% de filles ayant accès à l’école, contre 28,4 % de garçons.