La conférence de presse de Charles Blé Goudé annoncée par son service de communication s’est tenue le mercredi 27 Mars 2019. L’occasion a été pour l’ancien leader de la galaxie patriotique de Côte d’Ivoire, proche de l’Ex-Président Laurent Gbagbo, de revenir officiellement dans le débat politique après sept années de détention au pénitencier de la cour pénale international. Quels sont les enjeux d’une telle rentrée solennelle ? Analyse.
Charles Blé Goudé solennel, dans une posture de rassembleur
Comme il fallait s’y attendre, le président du congrès des jeunes patriotes (Cojep) M. Charles Blé Goudé a gardé le même discours que sa ligne de défense lors des différentes audiences à la CPI. Un discours de rassemblement du peuple de Côte d’Ivoire, avec un rappel de son attachement constant au pays, malgré la prison : « Pendant ces longues années de détention, j’ai sans cesse pensé à vous, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, ainsi qu’à notre bien le plus précieux que nous avons en commun : notre pays, la cote d’ivoire ».
Rappeler une telle situation permet à Charles Blé Goudé de rassurer ses soutiens sur le fait qu’il n’a jamais été déconnecté de l’actualité politique du pays, mais surtout qu’il est resté au milieu du peuple malgré la distance. Remettre les pendules à l’heure et lancer ses équipes dans la bataille politique où un certain Guillaume Soro ne cesse de faire l’actualité. Jouer sur les symboles et l’appartenance au peuple permet à Charles Blé Goudé de planter le décor d’une future confrontation avec son Ex Secrétaire général à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). Deux styles vont s’affronter dans les cinq prochaines années sur l’échiquier politique du pays. Et ceux sur le terrain du Pragmatisme politique, comme l’a annoncé le slogan de l’affiche qui décorait le fond du plateau de la conférence publique.
Blé Goudé fait parler les symboles pour assumer l’héritage de Gbagbo
« La Côte d’Ivoire, un tout qui a besoin de tous », pouvait-on lire sur l’affiche de la conférence publique. Si Charles Blé Goudé ne nomme pas les choses, les couleurs du Front populaire ivoirien (FPI), parlent plus fort que son silence. Le Cojep a certes soutenu la politique de Laurent Gbagbo, mais il n’est pas du FPI. Ce rappel de couleur vient donc en contradiction avec l’affront que Guillaume Soro fait à Alassane Ouattara aujourd’hui, donnant le triste spectacle de fils ingrat.
Même la prison n’a pas eu d’effet corrosif sur la fidélité de Charles Blé Goudé à Laurent Gbagbo. Cela est déterminant dans la mesure où selon des sources proches de l’ex-chef d’État, Laurent Gbagbo avait une forte préférence pour Dama Pickass en ce qui concerne son héritage politique. Au-delà des couleurs du parti de Laurent Gbagbo, c’est le slogan qui rappelle fortement le « donnez-moi le pouvoir et je vous le rendrai » de Laurent Gbagbo.
Il apparait évident que Charles Blé Goudé a préparé un programme de société et défini une ligne politique claire, dont ses équipes feront la promotion auprès des populations ivoiriennes, qu’il associe implicitement à son programme futur. Il sait que la limite d’âge n’épargnera pas son ancien mentor et que le modèle politique classique ne séduit plus vraiment l’électorat.
Blé Goudé va donc innover. 2020, ne semble pas dans le viseur de celui qui est apparu en homme d’État, loin des discours populistes des années de crise. Charles Blé Goudé fera du temps son allié, comme Laurent Gbagbo et contrairement à un Guillaume Soro qui lorgne depuis bien longtemps le fauteuil. Au cours du film diffusé sur les réseaux sociaux par les équipes de Charles Blé Goudé, l’impression de la nomination d’un gouvernement de mission n’a échappé à personne. De nombreuses poignées de mains ont été serrées pour valider chaque membre de l’équipe qui l’accompagnera dans sa quête du pouvoir d’État. Blé Goudé n’a certes pas changé, mais quelque chose chez lui l’est. Il est apparu plus responsable que d’autres. Il porte une certaine légitimité à parler aux Ivoiriens et il s’est débarrassé de l’image d’éternel jeune qui lui collait à la peau depuis toujours, des jeunes à qui personne ne veut confier de sérieuses missions en Côte d’Ivoire.
Même si Blé Goudé a certainement pris des leçons de la vie et de l’expérience auprès de son ancien codétenu Laurent Gbagbo, dont il s’est encore plus rapproché ces dernières années, il ne s’attend à aucune passe de ce dernier qui lui a déjà fait comprendre que rien en politique ne se donne vraiment et que tout s’arrache.
Nelson Zimin