Dès la chute de Laurent Gbagbo en Avril 2011, les forces nouvelles, rebaptisées Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, avaient investi l’ensemble du territoire du district d’Abidjan et les principales villes de la Côte d’Ivoire. L’homme qui les avait représentées depuis 2002, jouissait alors d’une notoriété retentissante assortie d’un pouvoir certain, reconnu de toute l’administration ivoirienne. Guillaume Soro, conservé premier ministre par Alassane Ouattara, avait toute sa confiance jusqu’à cette erreur de trop.
Guillaume Soro, le marchand de pouvoir
Mon frère Kabako,
J’ai rencontré au détour d’un café parisien un de tes cousins éloignés, qui a été au cœur d’une affaire d’égo et de gros sous disparus. Mais avant de me raconter les faits concernant cette autre affaire d’état pourrie, il me disait ne pas comprendre pourquoi votre ministre de l’Education nationale a été distinguée aux Etats-Unis, en tant que coach formateur ? Moi non plus je ne sais pas ce qu’il y a de glorieux à ce médaillon qu’elle transporte de ministère en ministère en passant par la présidence de la république. Une sorte de doigt d’honneur à notre système éducatif, lanterne je ne sais plus de quelle couleur de la locomotive de l’enseignement au sein de la francophonie. Mais en fin, ce n’est pas mon problème. Alors je disais que le cousin m’a parlé du Guillaume.
Au plus fort de la crise ivoirienne de 2010, Guillaume Soro avait sollicité Laurent Gbagbo pour sa reconduction en tant que premier ministre. Chose qui aurait fait pencher la balance du côté du camp d’un Laurent Gbagbo fortement acculé de toutes parts et subissant des pressions diplomatiques et militaires. De source digne de foi, malgré le contexte tendu, Laurent Gbagbo avait donné une fin de non-recevoir à la requête de Guillaume Soro.
Erreur stratégique ou orgueil ? Laurent reprochait à son premier ministre son incapacité à ramener la paix dans le pays, ni à parvenir au désarmement depuis sa nomination en 2007. Il était donc hors de question de le reconduire. Il fut éconduit ! Il jouera donc à fond la carte Alassane Ouattara jusqu’à ce que la suspicion s’installe en 2012.
Un totem en Or trop scintillant sur le plan diplomatique pour Guillaume Soro
Nous sommes en 2012 lorsque Guillaume Soro, conforté par le pouvoir dont il jouissait, met en place le projet d’un livre d’Or. Pour comprendre l’impact de l’action de Guillaume Soro, il faut noter qu’un livre d’or est un livre (ou une page web, ou tout autre support d’écrit) où des personnes inscrivent des félicitations ou des témoignages sur quelque chose (un lieu, un événement), selon Wikipédia.
Pour la position qu’il occupait, les signataires auraient été pour la plupart des chefs d’État et des personnalités officielles ou il aurait pu également s’agir d’invités d’honneur de la primature comme des artistes ou des sportifs. Cette signature aurait eu lieu au cabinet du premier ministre qu’il était à l’issue de l’accueil et accompagnée d’une séance de photos.
Un acte hautement politique, d’une portée communicationnelle et diplomatique puissante. Une opération rondement menée, et lancée dans la discrétion jusqu’à ce que Téné Birahima Ouattara, frère cadet du Président Ouattara et actuel ministre des affaires présidentielles, en soit informé. Pas question de laisser prospérer un tel lobbying.
Une opération visant le milliard de franc CFA, stoppée net par le président Alassane Ouattara
Pour la confection du livre d’Or, Guillaume Soro s’était fixé un objectif budgétaire de 1 milliard de francs CFA. Mais où trouver l’argent pour un projet visant à caresser son égo ? Il est premier ministre et cela n’est pas rien. Il suscitait à cette époque crainte et admiration au sein de l’administration ivoirienne. Véritable chèque en blanc, alors tout le monde passe à la caisse. Au bout de deux semaines de racket, le projet avait mobilisé un peu plus de 350 millions de francs CFA.
Le directeur des douanes de l’époque, avait payé en liquide 45 millions de Francs CFA pour le projet, comme d’autres. Alors que tout se déroulait au mieux, un coup de fil viendra compromettre le déroulement de l’opération livre d’Or du premier ministre. Pendant qu’il s’entretenait avec un émissaire de Guillaume Soro dans le cadre de la collette, le directeur du trésor public de l’époque reçoit un coup de fil. Ce n’est pas un banal appel, car ils s‘agit du frère cadet du président de la république.
L’appel de Téné Birahima Ouattara avait pour but l’ordonnancement d’un paiement de quelques chèques de plusieurs milliards de francs CFA par le trésor public. C’est au détour de cette conversation que le directeur du trésor public informe le frère cadet du président, de l’opération livre d’Or de Guillaume Soro. Informé de la situation, Alassane Ouattara fera injonction à son premier ministre de mettre un terme à l’opération.
Si Guillaume Soro s’est exécuté sans entêtement, il y a laissé son poste de premier ministre et la confiance d’Alassane Ouattara, qui s’en est méfié depuis lors. Par ailleurs, des points d’ombre subsistent sur ce qu’est devenue la quasi moitié du budget collecté. Personne ne saura dire clairement si cet argent appartenant au contribuable a été reversé à l’Etat de Côte d’Ivoire. Dans cette autre affaire trouble de fonds perdus, Guillaume Soro n’a jamais été inquiété plus que cela et l’affaire est passée sous silence.
Nelson Zimin