Dans son interview accordée au journal ivoirien Générations Nouvelles, Guillaume Soro n’a pas manqué d’évoquer son départ précipité de la France. L’ancien chef des Forces nouvelles (FN, ex- rébellion) indique sans faux-fuyant que le président français Emmanuel Macron y est pour beaucoup dans cette situation.
Guillaume Soro : « Macron… ne tenait plus à assurer ma sécurité en France »
Après son retour manqué à Abidjan, le 19 décembre 2019, Soro Kigbafori Guillaume s’était exilé en France, avec certains de ses collaborateurs de Générations et peuples solidaires (GPS), dont son avocate et ancienne ministre ivoirienne Affoussiata Bamba-Lamine. Entre Crush party, interviews et autres activités politico-diplomatiques, l’ancien Président de l’Assemblée nationale était libre de ses mouvements dans l’Hexagone jusqu’à l’orée de l’élection présidentielle d’octobre 2020.
Et là, le député de Ferkessédougou, qui a refusé d’adhérer au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti au pouvoir), s’est farouchement opposé à la candidature à un troisième mandat du président ivoirien, Alassane Ouattara. Aussi, Soro Guillaume a-t-il déclaré, lors d’une interview dans un luxueux hôtel parisien qu’il n’y aura pas d’élection en Côte d’Ivoire, avant d’appeler l’armée ivoirienne à « prendre ses responsabilités » pour sauver le peuple ivoirien d’un « 3e mandat anticonstitutionnel » du président sortant.
C’était visiblement la ligne rouge à ne pas franchir, car Emmanuel Macron, le chef d’État français, a aussitôt réagi. Lors d’une interview accordée à Jeune Afrique, le locataire de l’Élysée : « Il n’a pas à créer le désordre et sa présence n’est pas souhaitée, sur notre territoire, tant qu’il se comportera de cette manière. » Avant d’ajouter : « Nous ne souhaitons pas qu’il (Soro Guillaume, Ndlr) mène des actions de déstabilisation depuis le sol français. Autant nous pouvons accueillir des combattants de la liberté et toute personne qui serait menacée chez elle, autant nous n’avons pas vocation à protéger des activistes qui cherchent à déstabiliser un pays. »
L’ancien chef du Parlement ivoirien a quitté la France sans crier gare, mais non sans indiquer : « La stabilité de la Côte d’Ivoire ne réside pas dans le maintien d’un monarque au pouvoir. Le seul antidote à l’instabilité demeure la démocratie, donc le respect de la Constitution ivoirienne. Personne ne m’obligera à admettre que Ouattara est dans son droit de violer la Constitution. La présidence à vie en Afrique, je m’y opposerai toujours. Je ne renoncerai jamais à ma liberté de parole. »
Trois mois après ce départ de la Ville lumière, l’un des anciens protagonistes déclarés du conflit ivoirien a cru bon de revenir sur les véritables raisons qui l’ont poussé à quitter la France. Indiquant de prime abord qu’il n’est matériellement pas interdit de séjour en France, le Président de Générations et peuples solidaires (GPS) révèle : « J’ai quitté la France à la suite de ce changement de cap. Vous savez que mes ennemis sont aux aguets et peuvent attenter à mon intégrité physique. »
Avant de pointer du doigt le président Macron : « À partir du moment où Macron a changé d’avis sur la Côte d’Ivoire, j’ai eu des raisons de croire qu’il ne tenait plus à assurer ma sécurité en France. Quand vous avez de la jugeote, il vaut mieux ne pas insister. Et amicalement, je lui ai fait dire que je m’en allais. »
L’ex-chef des rebelles ivoiriens révèle toutefois qu’il garde des rapports cordiaux avec Emmanuel Macron de qui il a d’ailleurs reçu des voeux de Nouvel An. « À l’occasion de la nouvelle année, j’ai reçu un message d’amitié et de vœux. Mais je ne peux dire plus », a-t-il indiqué.
Contraint de quitter le tabouret de l’Assemblée nationale à cause de son refus d’adhérer au Parti unifié, le parti présidentiel, le Député de Ferkességougou, qui tenait le perchoir de la présidence de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, est en rupture de ban avec son mentor, Alassane Ouattara (ADO). La justice ivoirienne l’a d’ailleurs condamné à 20 ans d’emprisonnement. Eu égard au fossé, de plus en plus grandissant, entre le Président Ouattara et l’ancien chef du gouvernement ivoirien, leur réconciliation ne semble pas à l’ordre du jour. Du moins, pas pour l’instant. Mais en politique, on ne dit jamais jamais.