La spirale des coups d’états continue de faire son chemin en Afrique de l’ouest, dans la sphère francophone. Après la Guinée, le Mali, et le Burkina Faso, c’est autour du Niger de s’inviter au banquet.
Niger : La joie s’empare de Niamey à la chute de Mohamed Bazoum
Un mouvement d’humeur de la garde présidentielle, ensuite endossé par toute l’armée, a fini par avoir raison du président Mohamed Bazoum, ancien président de la République du Niger et de son pouvoir. Le porte-parole des militaires, le colonel-major Amadou Abdramane, a annoncé la suspension des institutions et la fermeture des frontières du pays. Il justifie le coup d’état par la dégradation continue de la situation sécuritaire du pays.
La joie qui s’est emparée de la rue à Niamey, comme ce fut le cas à Bamako ou Ouagadougou, à l’annonce de la chute du président Bazoum, est à la dimension de l’exaspération, de la déception et des ressentiments d’une population face à l’incapacité du pouvoir à donner une réponse appropriée aux attaques des terroristes et autres djihadistes, avec à la clé des centaines de morts.
C’est le lieu de véritablement s’interroger sur la récurrence de ces coups de force et l’intempestive irruption des militaires sur l’échiquier politique en Afrique de l’ouest. Qu’est ce qui fait courir ces militaires ?
Faut-il en vouloir à ces militaires et leur propension à quitter les casernes pour mettre fin à des pouvoirs civils issus d’élections ?
Assurément oui. Sur le principe, aucun démocrate ne peut se satisfaire de la présence des militaires à la tête de nos états et les lendemains incertains qu’ils font vivre aux pays. Cela doit être condamné avec la dernière énergie.
Cependant, les pouvoirs civils en Afrique de l’Ouest ne sont guère exempts de tous reproches. Ils font souvent preuve d’incurie et leur gouvernance, caractérisée par la prise en otage des libertés sous toutes ses formes, la corruption, le favoritisme, les détournement de deniers publics, la suffisance et l’arrogance, le tripatouillage des constitutions pour se maintenir au pouvoir, finissent par développer un sentiment de rejet au sein d’une population qui ploie sous le fardeau d’une paupérisation galopante. Les dirigeants font souvent preuve d’une passivité incroyable face aux préoccupations existentielles du peuple, et donnent l’impression d’être loin de ce peuple.
Dès lors, le peuple se met à rêver d’un changement quel qu’il soit, et n’hésite pas à donner sa caution à un coup d’état, sans en mesurer les conséquences. Qu’importe ! Pourvu que ceux qu’il croit être incapables de trouver des solutions à ses problèmes, plient bagage !
Mohamed Bazoum est connu pour être très proche de la France dans une zone sahélo-saharienne, où l’image de la France ne passe plus et où de nombreux jeunes manifestent régulièrement pour le départ des troupes françaises. Qui plus est les militaires français qui ont plié bagage au Mali et au Burkina Faso n’ont eu pour point de chute que le Niger. L’ex-président nigérien a également marqué les esprits par ses déclarations intempestives sur le Mali, dans les médias français avec une discourtoisie et une inélégance déconcertantes, à un moment où les autorités françaises essayaient de tordre le bras à leurs homologues maliens. Maintenant qu’il est » en train de lire l’heure », Mohamed Bazoum aura le temps de faire une introspection et se rendra vite compte qu’il est seul…si seul !
La forte mobilisation hier à Bamako et à Ouagadougou, aujourd’hui à Niamey pour soutenir les militaires, doit interpeler les uns et les autres sur le fait que, les militaires portent souvent sur leurs épaules, les espérances d’un peuple désabusé, paupérisé et fatigué, qui ne fait plus confiance aux hommes politiques.
Il faudra certainement en finir avec ces vieux clichés qu’on a de ces militaires, non instruits, incultes, incapables de réfléchir et de concevoir un projet de société, ou d’avoir un idéal pour leur pays.
Comme d’habitude, les condamnations avec la dernière énergie de ce coup d’état pleuvent de partout, les injonctions pour le retour à l’ordre constitutionnel sont également de mise. Cela est normal. Personne ne peut faire l’apologie des coups d’états. Cependant, voir des chefs d’État à la légitimité douteuse, et pour qui la démocratie n’est pas la tasse de thé, donner des leçons, est absolument inacceptable !
Comme le dit un ami mien, le corbeau peut bien se faire à l’idée qu’il chante moins bien que le rossignol ; mais que cette appréciation vienne du margouillat qui n’a jamais eu à entonner un chant durant toute sa vie, est une véritable insulte qu’il ne peut accepter.
Ainsi va l’Afrique.
Mais s’il y a eu un soir en Afrique, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.