Le ministre Sidi Touré, comme beaucoup d’Ivoiriens, voit d’un mauvais œil le fait que le PDCI fasse appel à des avocats français pour porter ses recours devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dans le cadre des élections locales. Il a même qualifié d’ « incongruité » cette démarche du plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire… Vraiment ??
Sidi Touré et son deux poids deux mesures sur les avocats du PDCI ?
Le 13 octobre dernier, les Ivoiriens étaient aux urnes pour élire leurs maires. Cette élection, qui est avec l’absentention du FPI la première grande bataille entre le PDCI et le RDR, était émaillée de violence et surtout de tricherie. Si le plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire, le PDCI, a pu forcer la proclamation des votes exprimés dans certaines localités comme au Plateau, certains de ses candidats dans d’autres villes n’ont pas eu la même chance.
Puisque des manifestations, comme à Grand-Bassam, pour réclamer le résultat des urnes n’ont rien donné, le parti d’Henri Konan Bédié s’est décidé à contester les résultats devant les institutions ivoiriennes, la Cour suprême en l’occurrence. Et pour réclamer ses victoires, le PDCI ne s’est pas attaché les services de n’importe qui, il a choisi la crème du barreau de Paris, à savoir Me Emmanuel Marsigny et Me Romain Dupeyré.
Le choix de ces deux avocats renommés en France répondait à deux besoins, forcer la Cour suprême de Côte d’Ivoire à décider sur la base des faits, rien que les faits. Et s’il devait en être autrement, Me Emmanuel Marsigny et Romain Dupeyré avaient une autre mission, sans doute celle de coller au régime du Président Alassane Ouattara une réputation de tricheur grâce à leur célébrité.
Le parti d’Henri Konan Bédié est sûr de ses victoires grâce au système parallèle qu’il a mis en place pour s’informer des résultats de cette élection presque en temps réel. Chaque procès-verbal de tous les bureaux de vote était envoyé à une de ses bases dès la fermeture du bureau et la signature des responsables de chaque bureau opposé sur celui-ci. Dès lors, il devenait difficile d’intervertir les résultats comme cela a pu se vérifier dans le cadre du Plateau où le camp Fabrice Sawegnon n’a pu aller au bout de la tricherie dans laquelle il s’était engagé à la fin du scrutin. Le résultat des scrutins avait été envoyé aux médias avec photos des preuves à l’appui avant même que la CEI ne se prononce.
Et donc Bédié a fait le choix de ses têtes fortes du barreau de Paris pour rapidement porter l’affaire sur le terrain médiatique, à l’international si besoin en était. On peut dire que la manoeuvre a fonctionné puisque les premiers résultats délivrés par la Cour Suprême sont conformes aux attentes du PDCI qui espère clairement bénéficier d’une aide de son très probable prochain allié le FPI pour opérer une razzia à ces élections qui seront réorganisées dans huit localités.
Sidi Touré, et le duo Me Jean-Pierre Mignard – Jean-Paul Benoît alors ?
Le ministre Sidi Touré, porte-parole du gouvernement ivoirien, a maladroitement qualifié d' »incongruité » que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-allié au pouvoir) ait « fait appel » à ces avocats français.
La réponse est pourtant très simple, les autorités ivoiriennes actuelles qui influencent certaines procédures et décisions de justice, selon le PDCI, n’ont aucune crainte des avocats locaux. Leur atitude est cependant différente lorsqu’il est question d’avocats européens, parce que craintifs d’être salis dans la presse internationale qui a aidé leur régime à s’installer au plus fort de la crise ivoirienne sous Laurent Gbagbo.
D’ailleurs, le ministre Sir Touré fait le faux offusqué alors qu’il sait très bien que les deux avocats de la Côte d’Ivoire à la CPI, dans le procès contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ne sont ni Djoulas, ni Bétés, ni Attiés… ou même tout simplement ivoiriens, ils sont français.
Me Jean-Pierre Mignard et Jean-Paul Benoît qui travaillent à faire condamner Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pour une histoire entre ivoiriens sont la preuve de ce que les autorités de Côte d’Ivoire n’ont aucune confiance ou considération pour les avocats formés sur leur sol. Il est donc mal venu, voir mal placé et carrément caricaturale de dénoncer une pratique dans laquelle l’on est soit même passé expert.
Qui a introduit Me Jacques Verges en Côte d’Ivoire ?
Le ministre Sidi Touré doit aussi savoir que le Président Alassane Ouattara n’avait pas hésité à faire venir feu Me Jacques Verges en Côte d’Ivoire pour l’affaire de sa nationalité douteuse. Des avocats compétents militaient pourtant déjà au RDR à cette époque. Pourquoi le même choix fait par le PDCI devrait-il être frappé d' »incongruité » ?
Laurent Gbagbo qui a confié sa défense à Maître Emmanuel ALTIT à la CPI avait déjà engagé lui aussi Me Jacques Verges et Roland Dumas lors de la crise poste-électorale de 2010. Si le choix de Konan Bédié est une « incongruité » pour le Ministre de la Communication et des Médias, Porte-parole du Gouvernement, alors ceux opérés par Gbagbo et Ouattara le sont tout autant puisqu’ils avaient fait les même choix d’engager des avocats étrangers dans des affaires inter-ivoiriennes.
Les politiciens ivoiriens, toutes tendances confondues, ont toujours méprisé le savoir-faire ivoirien en matière de droit. Me Jean Serge Gbougnon, Me Claver N’Dri ou encore Me Séry Zokou défendent pourtant leur client Charles Blé Goudé avec brio et sans le moindre complexe.