L’amnistie annoncée lundi par le président ivoirien Alassane Ouattara en faveur de « 800 personnes« , poursuivies pour des infractions en lien de la crise postélectorale de 2010 à 2011 « ne doit pas concerner les crimes de guerre et contre l’humanité », ont soutenu 11 organisations ivoiriennes et internationales de défense des droits humains dont Human Rights Watch.
« Aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre »
« Aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains commises en Côte d’Ivoire pendant la crise post-électorale de 2010-2011 », ont déclaré ces organisations dont Human Rights Watch, Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO).
« Contredisant tous ses engagements en faveur de la justice pris depuis 2011 », M. Ouattara, a accordé lundi l’amnistie à « 800 personnes, poursuivies pour des infractions en lien avec la crise postélectorale de 2010 », qui a fait plus de 3.000 morts, « ou des infractions contre la sûreté de l’État » qui ont suivi.
L’ex-première dame Simone Gbagbo qui avait été acquittée fin mars 2017 pour « crimes contre l’humanité » mais condamnée en 2015, à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », a été amnistiée.
Lida Kouassi, ex-ministre de la Défense condamné en janvier à 15 ans de prison pour « complot contre l’autorité de l’Etat et Assoa adou, condamné en juillet 2017 à quatre ans de prison pour « troubles à l’ordre public », tous deux des cadres pro-Gbagbo, sont sur la liste des bénéficiaires de cette amnistie.
Cependant, « une soixantaine de militaires et de membres de groupes armés ayant commis des crimes de sang ne sont pas concernés », a précisé le chef de l’Etat.
« Décider, après sept années de procédure judiciaire impliquant des centaines de victimes et d’auteurs présumés, que seules 60 personnes répondront à la justice est non seulement une décision arbitraire, mais c’est aussi un geste de mépris vis-à-vis des victimes », ont estimé les onze organisations.
Pour elles, « les principaux traités internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie imposent que les auteurs présumés de crimes soient poursuivis », expliquant qu' »une amnistie pour crimes graves serait également contraire aux principes constitutifs de l’Union africaine et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ».
« A l’approche de l’élection présidentielle de 2020, une amnistie pour les crimes les plus graves de la crise post-électorale adresserait un dangereux message, selon lequel les leaders politiques qui ont recours aux atroces pourront échapper aux sanctions », ont conclu ces organisations.
L’ordonnance d’amnistie a suscité de nombreuses réactions de la classe politique ivoirienne.
L’opposition dans son ensemble a salué la libération des prisonniers civils de la crise, qui est « geste de décrispation ».
Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, allié au pouvoir) Henri Konan Bédié a quant à lui, souhaité « que l’ordonnance d’amnistie se transforme rapidement en une loi d’amnistie pour rendre plus inclusif cet acte de réconciliation ».